|
|
Le
bar à sushis
C’est mon
dernier jour à Kyoto, je vais faire une dernière ballade. J’ai beaucoup aimé
le marché couvert, et c’est là que je vais prendre congé de la ville.
Encore bien respirer les odeurs de thé rôti et de poisson, et m’imprégner
de cette vie laborieuse et colorée que j’ai eu la chance découvrir. Il y a
comme toujours dans les marchés les appels des femmes qui vendent leur
marchandise, et ici le battement continuel des rabots à poisson sec. On le coupe en toutes fines lamelles, cela donne des sortes de
copeaux roses. Je devrais acheter des algues, mais je sais que retournée à la
maison, je reviendrai à un autre mode d’alimentation, alors je laisse. Je
vais plutôt choisir un emporte-pièce vu dans le magasin qui fabrique les
meilleurs couteaux du pays – soi-disant. Ici, le luxe, l’argent, la notoriété
ne sont pas écrits en grosses lettres d’or sur la porte. C’est une échoppe
de petite taille, et le propriétaire travaille en ce moment à affûter avec
une meule un hachoir de bonne taille. Je choisis un outil tout fait main qui me
permettra de découper des feuilles dans divers légumes. Très
contente de mon achat, je sors du marché pour revenir dans les temps modernes
(les marchés sont toujours un peu hors du temps) et tombe nez à nez avec un
bar à sushi sans l’avoir vraiment cherché. Celui-ci est particulier, ce
n’est pas un bar comme on l’entend. Les consommateurs sont disposés en un
grand ovale, face à moi, un robinet pour l’eau chaude, des sachets de thé
vert, le gingembre mariné, tout rose, la pâte de raifort, verte et piquante.
On me montre par signes qu’il faut que je me serve, et je me mets à guetter
les sushis que j’aimerais manger : ils défilent à hauteur de mes yeux
sur un étroit tapis roulant. A mesure qu’on a pris une assiette, les
cuisiniers qui se trouvent à l’intérieur de cette boucle la remplacent par
une autre. Ici, tout est bon, et tellement frais que l’algue est encore un peu
sèche. J’ai des vues sur un
sushi avec une énorme crevette : dommage, c’est ma voisine qui l’a
pris, laquelle mange à toute vitesse et a déjà devant elle une pile
d’assiettes impressionnante. J’en prends d’autres, certains avec des œufs
de poisson, d’autres en forme de cornet, d’autres encore plus traditionnels.
Un coup d’œil sur les cuisiniers, et je me prépare à attraper cette fois le
sushi à la crevette, moins bon que prévu. Pour finir sur une bonne impression,
j’en reprends deux tout simples. Comme le tapis roulant est toujours en mouvement, cela incite les gens à ne pas traîner. Mon repas aura duré au maximum un quart d’heure, et je me suis bien amusée. |